Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Livres d'Aline
22 septembre 2012

Le parfum, Jean-Claude Ellena

couv40544204Le parfum, Jean-Claide Ellena

Edition : Presses universitaires de France

128 pages

untitled

 

Résumé

Dans un ouvrage clair et concis, Jean-Claude Ellena, parfumeur de la maison Hermès, nous raconte son métier.

Il évoque les matières premières, le marketing, les moyens de protection contre la contre-façon, et tout ce qui caractérise le parfum au XXIe siècle.

 

Commentaire

Jean-Claude Ellena est né en 1947 à Grasse. Avec un tel lieu de naissance, il ne pouvait que devenir parfumeur.

C'est en 1968 qu'il rejoint l'école Givaudan de parfumerie, à Genève. Là, il commence un long apprentissage consistant à appréhender des milliers d'odeurs. Bonnes ou mauvaises, peu importe.

Après avoir réalisé de nombreux parfums, tous célèbres (First chez Van Cleef et Arpels, L'Eau parfumée au Thé Vert chez Bulgari), Ellena rejoint la maison Hermès en 2004.

Ellena commence par nous parler des modes de fabrication des parfums et de leur évolution dans le temps. Les matières premières et les différentes techniques qui leur sont le mieux adaptées sont évoquées : enfleurage, extraction, head space... Ces chapitres consacrés aux ingrédients et techniques de la parfumerie sont aussi l'occasion, pour Ellena, de jouer avec les émotions de ceux qui le lisent : il connaît ses classiques et n'hésite pas à les mentionner. L'Heure Bleue, le N°5, Mitsouko, Shalimar, Après l'Ondée, Arpège, Diorissimo, L'Eau Sauvage, et bien d'autres sont cités. Et il ne reste plus qu'à la mémoire olfactive, si bien louée dans cet ouvrage, de jouer le rôle qui est le sien : en tournant les pages de ce Parfum, on a presque la sensation de percevoir toutes ces fragrances dont Ellena parle si bien.

Le parfum pour Ellena, c'est aussi le miroir d'une époque. Empreinte des goûts et des modes de son temps, le parfum qui traverse les époques (on pense particulièrement à ceux de la maison Guerlain) nous donne un aperçu de ce que les élégantes de ces temps-là appréciaient. Comme le souligne Ellena :

" Je sens L'Air du Temps, First, N°5, Eau Sauvage, Shalimar, Opium, Terre d'Hermès, Angel, Eau des Merveilles, et je me promène dans les années 1947, 1976, 1921, 1966, 1925, 1977, 2006, 1992, 2004. Le parfum a quelque chose de plus que la mode, quelque chose que la publicité ne sait pas faire : être porté, en traversant le temps. "

Loin de céder lui-même à la pression du marché et de la mode, Ellena s'en méfie et s'en tient éloigné. Pas question pour lui de composer ses parfums en fonction d'un public cible cerné par le département marketing d'une marque, cela nuirait à son sens de la création.

Du fait de la méfiance du parfumeur pour la publicité et les techniques de vente, les chapitres concernant le marketing est assez critique. Ellena souligne le nombre exponentiel de nouvelles créations (il cite le chiffre de 250 lancements en 2007 en France) et ne voit pas cela d'un bon oeil. A la lecture des critiques de Jean-Claude Ellena, on comprend que, saturé d'odeurs, sollicité de toutes parts, le consommateur ne sait plus où donner de la tête et finit par être déçu de ce qu'il trouve en parfumerie. Là, je ne peux que donner raison à Ellena : qui parvient encore à s'y retrouver parmi les différentes versions de Miss Dior Chérie (Dior) et de Very Irrésistible (Givenchy) ? Toutes ces variations portent le même nom et sont très proches au niveau de la fragrance... La maison Givenchy semble d'ailleurs devenir particulièrement douée en la matière puisque Ange ou Démon semble bien parti pour battre Very Irrésistible à plate couture : entre Ange ou Démon en eau de toilette, en eau de parfum, Ange ou Démon Le Secret, Le Secret absolu (ou je ne sais quoi d'autre), comment s'attacher à un produit ?

En lien avec cette course effrénée au lancement des nouveautés, Jean-Claude Ellena souligne l'importance du temps dans le processus de création des parfums. Il faut laisser aux professionnels le temps de créer des produits de qualité. Il faut laisser au consommateur le temps de tester ces produits, de se les approprier, de les apprécier. Ellena déplore la vitesse à laquelle certains parfums sont retirés des rayons de parfumerie, parce qu'ils ne satisfont pas les impératifs commerciaux de certaines marques. Comme il le dit si bien : " De nombreux parfums sont retirés des linéeaires avant d'être reconnus, ce qui témoigne d'un manque de respect pour les clients comme pour les auteurs de parfums. "

De là à louer les parfums dits " de niche " et leurs créateurs, il n'y a qu'un pas, que Jean-Claude Ellena franchit allègrement. Il nous parle d'Annick Goutal, de Serge Lutens, de Diptyque, de The Different Company, de L'Artisan Parfumeur... Toutes ces maisons refusent le marketing à outrance, la sur-production caractéristique de notre société. Les parfums que ces créateurs produisent sont des jus de qualité, qui se démarquent des modes par une personnalité très tranchée. Ellena en donne une définition intéressante : " N'utilisant pas ou peu de support publicitaire, les parfumeurs de niche mettent en avant le produit : le parfum. Le parfum doit parler pour lui-même et revendiquer une forte identité, un parti pris olfactif. Un grand soin est apporté au nom. Le nom, qui est le premier élément de sa communication, ne cherche pas à être consensuel, il est un appel à la curiosité. Les lieux d'achats sont pour la plupart des boutiques, lieux relativement ' fermés ' où les clients sont reçus par un personnel attentionné, formé, connaissant parfaitement le monde des parfums et l'histoire de chaque composition présentée. "

Je ne peux que donner raison à Ellena en ce qui concerne les noms des parfums de niche : ils sont, en effet, un appel à la curiosité, à la découverte. Ils donnent l'impression qu'en testant la fragrance, on va découvrir une vraie merveille. Qui pourrait résister à des noms tels que Mon Parfum Chéri par Camille, Rose Splendide, Mandragore Pourpre, Un Matin d'Orage, Les Nuits d'Hadrien (interprétation de L'Eau d'Hadrien, inspirée du roman de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien), Ce Soir ou Jamais, Eau du Ciel (tous des parfums de la maison Annick Goutal) ? Ou encore à De Profundis, Vitriol d'oeillet, Jeux de peau, Fourreau noir, Bas de soie, Filles en Aiguilles, Five O'Clock au Gingembre, Sarrasins, Louve, Rousse (créations de Serge Lutens) ?

La mondialisation touche également les parfums : tout le monde doit sentir la même chose parce qu'une odeur est à la mode et que c'est celle-là que les parfumeur doivent utiliser. Avez-cous remarqué combien de créations à base de bois de Oud sont sorties ces derniers temps ? Toutes les marques se sont lancées dans l'utilisation de ce produit. Et que font les gens qui n'apprécient pas cette odeur ? C'est ce genre de généralisation qui dérange Jean-Claude Ellena (et moi aussi !). Le parfum doit rester un plaisir, non seulement pour celui qui le créé, mais aussi pour ceux qui le portent.

Le parfum par Jean-Claude Ellena est donc un petit livre très contrasté. L'auteur-parfumeur apprécie son métier et tente de nous en faire partager les bons moments. Mais cette passion qui l'anime ne l'aveugle pas, il connaît les dérives imposées à la profession par les impératifs du marché et il en parle ouvertement. Par contre, il ne conseille pas le lecteur et le laisse libre de faire ses propres choix de consommation. Et c'est normal quand on sait à quel point le parfum est lié à l'émotion et aux souvenirs de chacun d'entre nous...

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Oh merci pour ces compliments Perrine ! :-) J'étais très inspirée : l'ouvrage de M. Ellena est vraiment bien écrit. En plus sur un sujet qui me plaît.
Répondre
-
Ton billet est véritablement captivant Aline, j'ai été transportée dans ce monde que je connais très mal, et j'en ressors grandie :) c'est pourquoi je vais lire ton nouveau billet sur cette belle passion avec délices :D
Répondre
A
C'est vrai : les lunettes aussi! Moi ça va, les rectangulaires sont ce qui va le mieux avec mon visage, ma ma soeur a un tout petit visage et elle a les mêmes difficultés que toi pour trouver une monture... :-x<br /> <br /> Quelle idée de vouloir "uniformiser" les gens. Si on est tous différents, on doit forcément pouvoir porter et apprécier des choses différentes !<br /> <br /> <br /> <br /> Quand j'ai deux minutes, je ferai un billet sur ma collection de flacons ;-). Par contre, côté photos, je ne promets rien : j'en ai fait mais elles sont floues :lol:. Je suis un peu nulle en photo...
Répondre
M
Ah Merci Aline pour ce beau billet. L'autre jour j'ai failli te demander de nous faire un billet sur les parfums!! Comme si tu avais lu dans mes pensées. <br /> <br /> <br /> <br /> Je trouve désagréable aussi les modes où il y a toujours la même petite odeur qui ressort. Je me souviens, il y a quelques années, c'était le melon pour des parfums fruités d'été.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est pareille pour les montures de lunettes. Je viens justement de changer les miennes la semaine dernière. Bon, là ce sont en majeure partie des montures avec une ligne droite et le contour rectangulaire. (hiii.. je sais pas si tu me suis) :) <br /> <br /> <br /> <br /> Mais bon! on a pas tous le même visage!!! Moi j'aime les petites rondes, alors j'ai dû chercher...
Répondre
Les Livres d'Aline
Publicité
Les Livres d'Aline
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 293 041
Archives
Publicité