Insane Cravy, Jean-Laurent Delacroix

Insane Cravy

Jean-Laurent Delacroix

Editions Librinova, 347 pages

Un extrait

" Elle se rendit bientôt compte qu’au-delà de sa privation de douleur, elle ne ressentait pas la moindre sensation. Ses mains étaient comme recouvertes de gants hermétiques qui ne ressentaient aucun frémissement, douceur ou picotement. Tout était d’une neutralité déconcertante… "

Résumé

(Présentation de l'éditeur) " Catherine Scarhide est atteinte d'une étrange forme d’analgésie congénitale qui la prive de toute douleur et de toute sensation physique. Sous l'emprise d'un père autoritaire et obsédé par la perfection, elle a l'impression de ne pas exister. Durant son adolescence, sa quête identitaire sera marquée par la découverte de son corps, de sa sexualité, des sentiments amoureux et du mystère qui entoure la famille Scarhide. "

Mon avis

Insane Cravy nous raconte l'histoire de Catherine Scarhide et de son père, Edward, neurologue et chirurgien plastique. Catherine n'a pas connu sa mère et vit seule avec ce père abusif et autoritaire. On comprend d'ailleurs très vite que le comportement d'Edward envers sa fille est plus que problématique... Et les doutes s'insinuent lentement : (attention, spoilers) on finit par se demander si Catherine est réellement sa fille, si elle souffre vraiment de la maladie qu'Edward a "diagnostiquée", si la mère de Catherine est bien morte accidentellement ou si elle a été assassinée.  Le comportement de Catherine est, bien entendu, lui aussi étrange. Tout au long du récit, elle est comme déphasée par rapport aux personnes qui l'entourent, ce qui est plutôt normal étant donné l'éducation qu'elle reçoit et les traumatismes et humiliations vécus quotidiennement. Catherine ne s'intègre pas à l'école, elle n'a pas d'amis, pas d'amoureux et sa solitude lui pèse.

Petit à petit, le mystère de l'histoire de la jeune femme s'épaissit. On comprend que l'auteur ne nous a pas tout dit, qu'il distille ses révélations de façon parcimonieuse, afin de maintenir le suspense et de nous emmener vers une fin très dramatique. Cette fin triste et choquante n'est toutefois pas une surprise totale : on s'y attend plus ou moins étant donné le déroulement des événements et la vie vécue par la jeune héroïne. 

A travers l'histoire de Catherine, l'auteur semble en réalité vouloir dénoncer les dérives de la modernité et la recherche sans fin de perfection qui anime nos sociétés actuelles. Extraits : 

" L’aura des commerces environnants l’extirpaient de ces ténèbres saisissants le temps d’une seconde, car si elle poussait l’une de ces portes, elle pénétrait dans un autre enfer : celui du capitalisme, du marketing agressif et de la productivité à outrance. Mais alors qu’elle observait les environs, son regard désabusé jonglait entre les misères et les vices d’un monde englué dans l’ombre, enfermé dans les plaisirs instantanés et matériels… 

Ils ne connaissaient plus la gratuité, la sympathie, la courtoisie ou encore la solidarité. Toutes ces choses dissimulaient aujourd’hui un dessein quelconque : le pouvoir, la reconnaissance, l’argent et pour aboutir finalement à une décevante masturbation intellectuelle qui ne durait qu’une minute et demie. "

" Mais le mal avait triomphé au profit de la cupidité et du culte de la beauté. La justice n’existait plus. L’humanité s’était pervertie jusque dans ses derniers retranchements… "

C'est la perversion d'un système qui est dénoncé au travers de l'histoire des Scarhide, et en particulier d'Edward, lequel symbolise à lui tout seul l'hypocrisie, le mensonge, l'indifférence, la cruauté. Les personnages deviennent alors comme des marionnettes dans les mains de Jean-Laurent Delacroix, qui les utilise afin de faire passer un message bien plus important.

Merci à Suzette de Librinova pour cette découverte.

Si vous voulez en apprendre plus sur l'auteur et découvrir ce roman, ça se passe par ici.

En bref

Roman étrange et sombre, Insane Cravy nous emmène dans les méandres les plus tortueux de l'âme humaine. La vie dramatique de Catherine Scarhide nous permet de comprendre que l'enfer que vivent certaines personnes autour de nous revêt bien souvent un visage innocent...