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Les Livres d'Aline
14 août 2013

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig

couv34683525Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig

Titre original : Vierundzwanzig Stunden aus dem Leben einer Frau

Edition : Livre de Poche

125 pages

 

 

Résumé

Le narrateur, dont on ne connaît pas le nom, séjourne dans une petite pension voisine d’un grand hôtel de la Côté d’Azur, lorsque celui-ci est le théâtre d’un drame conjugal retentissant. Mme Henriette, l’épouse d’un homme d’affaires, s’est enfuie avec un jeune homme alors que tout laisse à penser qu’elle ne l’a jamais rencontré avant leur séjour commun à l’hôtel. Cette fuite, très discutée le lendemain, fait l’objet de vifs affrontements à la table de notre narrateur, puisque ce dernier défend bec et ongles le comportement de Mme Henriette contre les deux couples qui partagent sa table, lesquels refusent de croire au « coup de foudre » d’une femme qui, visiblement, s’ennuyait dans son couple.

Mrs C… une autre compagne de table du narrateur, semble plus qu’intéressée par sa position. Cette vieille anglaise très distinguée apprenant que notre narrateur va quitter la pension, décide de lui confier un secret. Elle veut lui parler d’une période de vingt-quatre heures qui a agité sa vie de femme quelques vingt années plus tôt, au cours de laquelle elle s’est enflammée pour un jeune homme de l’âge de son fils qu’elle n’avait, jusqu’alors, jamais encore rencontré…

 

Commentaire

J’ai trouvé de grandes similitudes entre ce court roman et Le Joueur d’échecs, puisque le jeune homme rencontré ici par Mrs C… est obsédé par une passion qui le consume petit à petit. Ici, il s’agit de la passion du jeu.

Le suspense est tout aussi psychologique que dans Le Joueur d’échecs puisque, tout au long du roman, la question principale est de savoir si Mrs C... va parvenir à sauver son jeune compagnon de cette obsession qui le ronge. Mrs C… essaye, allant jusqu’à lui prêter de l’argent pour qu’il rentre chez lui et oublie le casino de Monte-Carlo, où il est en train de perdre non seulement toute sa fortune, mais également sa raison. Mais la sollicitude et la passion de Mrs C…, jeune veuve de quarante-deux ans, suffiront-elles à sauver le jeune homme ?

J’ai été particulièrement frappée par le contraste entre la Mrs C… qui raconte son histoire au narrateur et celle qui vécut cette aventure au casino de Monte-Carlo. La première nous est décrite comme une femme d’une élégance discrète et de bon ton par le narrateur ; la seconde, racontée par elle-même, est une femme agitée par un océan d’émotions : le désespoir de son veuvage et la violence de la passion après sa rencontre avec ce jeune homme. Il est difficile d'imaginer cette vieille dame si digne amoureuse d'un homme de près de vingt ans son cadet et pourtant, c'est bien ce qu'il lui est arrivé... C'est toute son éducation, toute sa vie passée que Mrs C... est prête à remettre en question et à oublier pour un homme avec lequel elle ne passera que quelques heures.

Les descriptions de Zweig sont très précises et nous plongent sans pitié dans l'intensité du récit dans le récit qui, malgré sa brièveté, se révèle particulièrement puissant. L’auteur se lance, notamment, dans une description des mains du jeune homme lorsqu’il joue à la roulette et ces quelques pages permettent de comprendre, déjà, à quel point le récit des vingt-quatre heures de la vie de Mrs C. va être agité… :

" C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles extrêmement rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, aux dessus nacrés et délicatement arrondis. Je les ai regardées toute la soirée, oui, je les ai regardées avec une surprise toujours nouvelle, ces mains extraordinaires, vraiment uniques ; mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. "

Vingt-quatre heures peuvent-elles changer toute une vie ? Après avoir lu ce récit de Zweig, on ne peut que répondre par l’affirmative.

 

Quelques extraits :

 

" Je trouvais plus honnête qu'une femme suivit librement et passionnément son instinct, au lieu comme c'est généralement le cas, de tromper son mari en fermant les yeux quand elle dort dans ses bras. "

 

" Vieillir n'est, au fond, pas autre chose que n'avoir plus peur de son passé. "

 

" On ne vit pareille heure qu'une seule fois dans sa vie et cela n'arrive qu'à une personne parmi des millions ; moi non plus, je ne me serais jamais doutée, sans ce terrible hasard, avec quelle force du désespoir, avec quelle rage effrénée un homme abandonné, un homme perdu aspire une dernière fois la moindre goutte écarlate de la vie ; éloignée pendant vingt ans, comme je l'avais été, de toutes les puissances démoniaques de l'existence, je n'aurais jamais compris la manière grandiose et fantastique dont parfois la nature concentre dans quelques souffles rapides tout ce qu'il y a en elle de chaleur et de glace, de vie et de mort, de ravissement et de désespérance. "

 

" Et je sens de nouveau avec effroi quelle substance faible, misérable et lâche doit être ce que nous appelons avec emphase, l'âme, l'esprit, le sentiment, la douleur, puisque tout cela, même à son plus haut paroxysme, est incapable de briser complètement le corps qui souffre, la chair torturée, - puisque malgré tout, le sang continue de battre et que l'on survit à de telles heures, au lieu de mourir et de s'abattre, comme un arbre frappé par la foudre. "

 

" La reconnaissance, on la voit si rarement se manifester chez les gens ! Et même les plus reconnaissants ne trouvent pas l'expression qu'il faudrait ; ils se taisent, tout troublés ; ils ont honte et contrefont souvent l'embarras, pour cacher leurs sentiments. Mais ici, dans cet être à qu Dieu comme un sculpteur mystérieux avait donné tous les gestes capables d'exprimer les sentiments d'une manière sensible, belle et plastique, le geste de la reconnaissance brillait comme une passion qui rayonnait de tout son corps. "

 

" Car... maintenant je ne m'abuse plus..., si cet homme m'avait alors saisie, s'il m'avait demandé de le suivre, je serais allée avec lui jusqu'au bout du monde ; j'aurais déshonoré mon nom et celui de mes enfants... Indifférente aux discours des gens et à la raison intérieure, je me serais enfuie avec lui, comme cette Mme Henriette avec le jeune Français que, la veille, elle ne connaissait pas encore... Je n'aurais pas demandé ni où j'allais, ni pour combien de temps ; je n'aurais pas jeté un seul regard derrière moi, sur ma bie passée... mon nom, ma fortune, mon honneur... Je serais allé mendier, et probablement il n'y a pas de bassesse au monde à laquelle il ne m'eût amenée à consentir. J'aurais rejeté tout ce que dans la société on nomme pudeur et réserce ; si seulement il s'était avancé vers moi en disant une parole ou en faisant un seul pas, s'il avait tenté de me prendre, à cette seconde j'étais perdue et liée à lui pour toujours. "

 

" Et cette nuit fut tellement remplie de luttes et de paroles, de passion, de colère et de haine, de larmes de supplication, d'ivresse qu'elle me parut durer mille ans et que nous, ces deux êtres humains qui chancelaient enlacés vers le fond de l'âbime, l'un enragé de mourir, l'autre en toute innocence - nous sortîmes complètement transformés de ce tumulte mortel, différents, entièrement changés, avec un autre esprit et une autre sensibilité. "

 

" Jamais encore, je n'avais vu un visage dans lequel la passion du jeu jaillissait si bestiale dans sa nudité effrontée... J'étais fascinée par ce visage qui, soudain, devint morne et éteint tandis que la boule se fixait sur un numéro : cet homme venait de tout perdre ! Il s'élança hors du Casino. Instinctivement, je le suivis...

Commencèrent alors 24 heures qui allaient bouleverses mon destin. "

 

 

J'aimerais découvrir :

couv3402213La Pitié dangereuse de Stefan Zweig, aux Editions Livre de Poche

Présentation de l'éditeur :

" A la veille de la Première Guerre mondiale, un jeune officier pauvre, en garnison dans une petite ville autrichienne, est pris de pitié pour une jeune infirme riche. De cette pitié dangereuse découlera l'amour fou que porte Edith de Kekesfalva au lieutenant Anton Hofmiller. Cet amour impossible finira tragiquement, dans l'évocation nostalgique d'une société bientôt condamnée par l'histoire. "

 

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Commentaires
M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Je m'excuse par avance pour ce message, je sais que personne n'aime en recevoir mais en fait j'organise un concours où le lot est un livre et je ne me suis rendu compte qu'hier soir longtemps après publication que je n'avais pas changé la catégorie de l'article (et maintenant c'est trop tard parce que personne ne le verra). Du coup j'ai décidé de "démarcher" quelques blogueuses dans la catégorie livres... Voilà, encore désolée du dérangement et bonne journée à toi ! : http://lionne-anonyme.blogspot.fr/2013/08/concours-cest-mon-premier-soyez.html
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S
pas dans ma pal celui-ci, mais j'en ai d'autres de stefan zweig, certains écrits en tant que biographe et aussi sa "lettre d'une inconnue" - c'est vraiment un auteur que je voudrais approfondir, mais si quelqu'un avait une vie supplémentaire à m'offrir, je suis preneuse :D
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S
Je n'ai pas encore lu Vingt-quatre heures dans la vie.... mais ça ne devrait tarder car j'aime beaucoup la plume de Zweig. <br /> <br /> En attendant, j'ose te conseiller de te mettre bientôt à la lecture de ce bijou qu,est La pitié dangereuse. Un grand roman crois-moi.
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M
Je n'arrive pas à me décider à lire cet auteur. Il semble avoir beaucoup de livres d'écris? Quel est ton favori dans ceux que tu as lu?
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-
Dans la construction, c'est vrai qu'on reconnaît vite Le Joueur d'échec (ou l'inverse, tout dépend de l'ordre de lecture ;)) je me souviens que c'était mon premier de l'auteur, j'étais très jeune, et j'avais eu du mal à saisir toutes les subtilités du roman, mais une chose est sûre, j'avais été subjuguée par la description des mains du joueur !! :) <br /> <br /> Comme toi, j'aimerais bcp découvrir La Pitié dangereuse, je l'ai dans ma bibliothèque en fait, mais je ne l'ai pas encore sorti ! ;)
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