Six-quatre, Hideo Yokoyama
Six-quatre
Hideo Yokoyama
Editions J'ai Lu, 680 pages
Un extrait
" La police était une famille. Cela lui inspirait réconfort, reconnaissance, il mesurait tous les jours sa chance de faire partie de cette gigantesque organisation. "
Résumé
(Présentation de l'éditeur) Une fillette a été enlevée et assassinée à 100 km de Tokyo, en 1989, an 64 du règne de l'empereur Shôwa. Nom de code de l'affaire : Six-quatre. L'inspecteur Mikami faisait partie de l'équipe chargée de la traque mais le ravisseur avait réussi à fuir avec la rançon. Impossible pour lui d'oublier cet échec cuisant, que la récente et mystérieuse disparition de sa propre fille ne fait que rappeler...
Presque quatorze ans ont passé, dans le même commissariat, il dirige le service des relations presse. On lui demande d'organiser la couverture médiatique de la visite du grand chef de la Police nationale, destinée à montrer que les recherches continuent. Si les journalistes, en plein bras-de-fer avec les RP, veulent bien se prêter au jeu... Pour organiser la visite, Mikami se rend au domicile du père de la fillette. Ce dernier semble en vouloir à la police. Y aurait-il un loup caché ? Pourquoi les officiers ayant suivi le Six-quatre ont-ils changé de service ou démissionné ? Et que sont ces " Notes Kôda " que le chef du personnel semble à tout prix vouloir retrouver ? Soudain, tout s'accélère : un nouvel enlèvement a lieu... Yokoyama promène le lecteur à travers les doutes de Mikami, et brosse un tableau de la société japonaise, de la presse et des enjeux d'une information en temps réel.
Mon avis
Six-quatre est un polar dense, intense et pas spécialement facile à lire. Il m'a un peu rappelé Rosa de Jonathan Rabb (lu il y a un bout, je dois encore vous en parler) : tous deux sont des récits "qui se méritent" et qui demandent un minimum d'investissement dans l'histoire pour ne pas en perdre le fil.
Le déroulement de l'intrigue ne suit pas les codes du polar traditionnel. Mikami ne se lance pas sur la piste d'un criminel sanguinaire : il se contente de fouiller dans les souvenirs de chacun concernant une affaire vieille de 14 ans, dont le nom de code est six-quatre (en référence à l'an 64 du règne de l'empereur Shöwa, durant lequel les faits se sont déroulés).
A partir de là, on suit les pas de Mikami et, surtout, ses réflexions. Et l'homme pense beaucoup : à la politique, aux relations entre les différents services de police, à son couple, à la disparition de sa fille, au six-autre, aux collègues qu'il connaissait à l'époque des faits, aux relations avec la presse (Mikami est responsable du service de relations publiques de son département). On se retrouve donc avec un polar très introspectif, où l'on partage les réflexions et ressentis du héros ; mais aussi avec une histoire dans laquelle interviennent de très nombreux personnages, que l'on ne confond pourtant jamais tant l'auteur prend le temps de les présenter, de les décrire, et de préciser leur rôle dans l'histoire.
Et ce foisonnement de personnages et d'histoires mêlées dans un seul récit fonctionne plutôt bien, puisqu'on est vite passionné non seulement par le mystère entourant le six-quatre, mais aussi et surtout par cette société japonaise très marquée par l'honneur et les conventions.
Ce roman fut donc une excellente plongée dans la littérature japonaise : je compte bien récidiver !
En bref
Coupez votre téléphone et la télé. Prévenez vos amis et votre famille que vous n'êtes là pour personne. Préparez des provisions pour plusieurs jours. Et lancez-vous dans cette lecture longue (très longue) mais passionnante ! Hideo Yokoyama parvient à rendre les relations publiques des services de police intéressantes avec son écriture particulière et son anti-héros attachant. Ce pavé ne se lit pas spécialement rapidement, mais il vaut la peine d'être découvert, surtout quand on est fan de polars.
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